Why Does Labour Matter?
The Past, Present, and Future of Labour
and Labour Studies

Global and Socialist Politics

November 15th
13h30 - 15h00
J-2805

On édite pour le plaisir : l’engagement militant intellectuel et travail entre capitalisme et anticapitalisme dans l’ère des fronts communs

Sarah K. Miles

Dans une lettre de 1972, le directeur des Éditions Parti Pris, Gérald Godin, décrivait à un auteur anonyme le fonctionnement de leur maison d’édition pour expliquer leur recul : on ne « se fend pas le cul à travailler. On édite pour le plaisir. Et quand on est écœurés… on arrête net d’éditer. »   Malgré leur manque d’horaire ou de but financier, Godin et son équipe d’éditeurs (entièrement bénévoles) ont réussi à faire paraître 95 livres en 12 ans de travail. Cette présentation reprend l’histoire de Parti Pris pour examiner l’engagement des militants intellectuels au Québec comme forme de travail révolutionnaire – non seulement au sens de la critique et de l’imaginaire qu’iels apportaient au travail (comme objet d’analyse), mais aussi à leur façon de fonctionner comme travailleurs intellectuels (comme sujets d’analyse). En tant qu’association enregistrée auprès de l’État, mais sans ressources indépendantes comme l’appui d’un parti politique ou d’un syndicat, Parti Pris avait l’obligation de rester rentable sans la volonté de tirer un profit quelconque de leurs livres. En plus de repenser l’histoire de l’engagement militant dans les années 1970 comme travail intellectuel (et donc comme partie prenante de l’histoire du travail de cette époque), cette présentation propose de remettre de l’avant le modèle de travail anticapitaliste dans une société capitaliste que Parti Pris incarnait, pour une vision critique du travail intellectuel du vingt-et-unième siècle.

Lockout et blackout : la grève La Canadiense de 1919, une action réussie de la base

Nicolas Lépine

En 1919, des commis de bureau protestaient contre les ponctions salariales à la Barcelona Power, Light and Traction, communément appelée la Canadiense en raison de son actionnariat canadien. Leur renvoi déclencha une grève générale dirigée par la Confederacion national del trabajo (CNT) anarchiste, dont l’aboutissement fut l’octroi par le gouvernement espagnol de la journée des 8 heures de travail.

La Canadiense constituait, d’une part, un réseau hydroélectrique à la fine pointe de la technologie, et d’autre part, le symbole par excellence de l’impérialisme nord-américain en matière de services publics. Sa direction patronale ne s’attendait guère à ce que ses pratiques cavalières puissent faire déborder le vase. Or, il en allait autrement à la Generalitat où l’on gardait en tête le souvenir de la Semaine tragique de 1909 et de l’Été révolutionnaire de 1917. C’est que la Catalogne était le berceau de la première centrale syndicale au monde, de surcroît révolutionnaire.

Afin de mettre en lumière cette mobilisation réussie, je présenterai d’abord le contexte précédant la grève : réalisation du front commun avec les socialistes, lutte des femmes contre l’austérité, adoption du « One Big Union » et collaboration de classe. Ensuite, j’exposerai comment la CNT désormais bien équipée fera reculer la corporation patronale tout en arrachant à l’État des revendications majeures, pour finalement mettre un terme à la grève devenue générale. Je terminerai sur les événements subséquents, soit le débordement des cadres anarchistes par leur militance, les lockouts du patronat de combat, pour aboutir au triste épisode dit du pistolerismo.

Labour Socialists and the Immigration Question in Interwar Canada

Edward Dunsworth

This paper will examine the approaches of interwar labour socialists to the often vexing political issue of immigration. For labour and the left, the “immigration question” raised contradictory impulses: on one hand, towards the protection of Canadian workers from  competition from low-wage foreigners; on the other, towards openness to immigration informed  by ideologies of solidarity and anti-discrimination. The paper will explore debates and actions on these questions within labour socialism, from the grassroots (anti-deportation campaigns, mutual  aid, etc) to the halls of parliament, where a small number of elected representatives of labour and  the left were able to sometimes extract concessions on immigration matters from governing  parties. The paper will use the labour socialist Abraham Heaps as a focal point for these  questions. A working-class Jewish immigrant, Heaps came up through the Independent Labour  Party of Winnipeg and later represented the CCF in federal parliament. He lobbied for an end to  political deportations and for the admission of Jewish refugees in the 1930s, but at other times  favoured restriction of certain immigrants. This paper will contribute a nuanced, theoretically  informed understanding of the left’s engagement with immigration politics in this period.

Chair :
  • Don Nerbas

Biographies

Sarah K. Miles est chercheuse postdoctorale CRSH, affiliée au département d’histoire de l’UQAM et au CRIDAQ, et anciennement postdoctorante de la Chaire de recherche en histoire contemporaine du Québec. Diplômée en histoire globale et européenne de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, ses travaux portent sur l’histoire intellectuelle et culturelle de la gauche dans le monde francophone au vingtième siècle. Elle est en train de terminer un manuscrit basé sur ses recherches doctorales qui s’intitule Postcolonial Publishers, Radical Readers : Militant Print Culture and Francophone Universalism, 1959-1974 et développe un nouveau projet sur la mort et le militantisme au Québec dans les années 1960 et 1970. Ses travaux ont paru, parmi d’autres, dans French Politics, Culture and Society et le Journal of Caribbean History.

Nicolas Lépine enseigne l’histoire internationale et ouvrière à l’Université d’Ottawa. Sa spécialité concerne les organisations internationales et transnationales de l’entre-deux-guerres européen, plus particulièrement le thème de la solidarité transfrontalière du mouvement ouvrier. Publié par les Presses de l’Université Laval, son premier livre portait sur la solidarité politique des Internationales socialistes et la guerre d’Espagne de 1936 à 1939. Son second livre, cette fois publié par Routledge, relativisera la prédominance accordée par l’historiographie aux communistes dans les luttes antifascistes, plus particulièrement à l’époque de la guerre civile espagnole qui sévit de 1936 à 1939.

Edward Dunsworth is an associate professor in the Department of History and Classical Studies at McGill University. A historian of labour, migration, and the left, Dunsworth is the author of Harvesting Labour: Tobacco and the Global Making of Canada’s Agricultural Workforce (McGill-Queen’s University Press, 2022; winner of the Henry A. Wallace Award, Agricultural History Society, United States) and a collaborator with the St. Lucian-Canadian activist and former migrant worker Gabriel Allahdua on his memoir, Harvesting Freedom: The Life of a Migrant Worker in Canada (Between the Lines, 2023; winner of the Speaker’s Book Award, Legislative Assembly of Ontario). An active public historian, Dunsworth is a member of the editorial collective at Activehistory.ca, a founding member of the Toronto Workers’ HistoryProject, and a frequent author of articles for broader audiences. His current research concerns left parliamentary politics and the politics of immigration in Canada.